COLLOQUE « je te crois, je te soutiens » L’INCESTE
À la suite de l’émergence du mouvement #MeToo inceste et à la demande du Président de la République Française Emmanuel Macron, une Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles Faites aux Enfants (CIIVISE) s’est mise au travail en mars 2021 avec pour lettre de mission de recueillir les témoignages des personnes ayant été victimes de violences sexuelles pendant leur enfance en créant un espace inédit d’expression. Par son rapport « Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit », publié le vendredi 17 novembre 2023 la CIIVISE restitue ces trois années d’engagement, livre son analyse des violences sexuelles faites aux enfants et présente des préconisations de politique publique. Quatre parties le structurent : les piliers, la réalité, le déni, la protection.
Les Piliers : Les violences sexuelles faites aux enfants, l’inceste, sont un problème social historique et politique. Si longtemps confinées à la sphère privée et à l’intime secret, elles mettent aussi en question nos représentations collectives de la famille, de la sexualité, de la liberté, de la relation et du pouvoir. Face à cela, la culture de la protection ne peut être édifiée sans les piliers inébranlables centrés sur l’enfant, la violence et la parole, afin de regarder la réalité en face et sortir du déni.
La Réalité peut être décrite en quelques chiffres : 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, 5,4 millions de femmes et d’hommes adultes en ont été victimes dans leur enfance, l’impunité des agresseurs et l’absence de soutien social donné aux victimes coûtent 9,7 milliards d’euros chaque année en dépenses publiques. Les deux tiers de ce coût faramineux résultent des conséquences à long terme sur la santé des victimes. La réalité c’est d’abord le présent perpétuel de la souffrance.
Le Déni : Ce que la CIIVISE a à dire après trois ans d’engagement, d’écoute, de discernement et d’action, c’est ceci : nous, la société, nous nous sommes trompés. Nous avons cru qu’il était préférable de faire comme si ça n’existait pas, comme si c’était impossible. Nous avons préféré ne pas voir. La CIIVISE ne sera pas la première à mettre en évidence le déni dont les violences sexuelles faites aux enfants font l’objet.
La Protection : Il est possible de sortir du déni, de remettre la loi à sa place, d’être à la hauteur des enfants victimes et des adultes qu’ils sont devenus. C’est le sens des 82 préconisations formulées de ce rapport. Elles sont réalistes et réalisables. Leur mise en œuvre sera moins coûteuse que le coût du déni.
La commission espère que ce rapport sera lu et qu’il suscitera l’intérêt des mouvements et professionnels de la protection de l’enfance et celui des mouvements et professionnels de la lutte contre les violences sexuelles.
OUI nous, en tant que collectif d’associations investies dans la lutte des VFF d’Aix en Provence auquel GSF appartient, ce rapport nous a interpellé et mené à l’organisation de ce colloque : « je te crois, je te soutiens » L’inceste
D’autre part la publication du rapport de l’étude IPSOS menée du 15 au 18 septembre 2023 sur un échantillon de 1000 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus interrogées par Internet montre que
- 1 Français sur 10 soit de l’ordre de 3 enfants/ classe déclare avoir été victime d’inceste et dans 2/3 des cas du fait de proches de la famille ( frères, cousins, parents, conjoint).
- 3 cas sur 5, la parole de la victime a été minimisée : son témoignage a été remis en doute ou on lui a conseillé de garder le silence.
- 1 fois sur 2 la victime n’est pas protégée
L’inceste touche tous les milieux sociaux sans distinction de classe, de culture, de religion ou de niveau de vie. Les enfants en sont les premières victimes.
En effet, le tabou social autour de l’inceste ne permet ni aux adultes d’aborder ces sujets de manière concrète avec les enfants, ni aux enfants de trouver les mots et l’espace d’écoute adaptés pour s’exprimer à ce sujet en cas de besoin.
C’est pourquoi il est primordial d’aider et accompagner les enfants à briser le silence afin qu’ils puissent alerter leur entourage (à la garderie, à l’école, auprès d’amis ou parents d’amis, etc…) en cas de prémices d’une situation incestueuse au sein de leur foyer et éviter les violences. L’inceste entraîne des conséquences lourdes et souvent destructrices pour les victimes. Elles ne sont généralement pas visibles au moment de l’acte, mais elles se révèlent par la suite : stress post traumatique, addictions, anxiété, peurs incapacitantes, troubles du comportement et troubles alimentaires, dépression, automutilation, suicide… Autant de souffrances psychologiques, émotionnelles et physiques qui perdurent par manque d’information au sujet de l’inceste.
De plus, les victimes d’inceste développent souvent une forme de culpabilité tout au long de leur vie face à ce qui leur est arrivé, ce qui rend difficile la libération de la parole, l’accès à l’aide nécessaire, et la prise en charge psychologique.
C’est pourquoi il est important d’agir pour prévenir et punir cette forme de violence sexuelle dès l’enfance. 92% des mineurs auteurs de violences sexuelles incestueuses en France sont des garçons et l’âge moyen des victimes lors de la première agression dans le cas d’inceste commis par un mineur est de 7 ans.
L’inceste dans la fratrie s’inscrit souvent sur le temps long et n’est pas encore assez bien détecter au sein des familles. Ainsi, les enjeux de la détection et des soins sont essentiels car les conséquences de telles violences peuvent être aussi tragiques que celles commises par des adultes. En effet, la minimisation et le déni conduisent à l’invisibilité de ce phénomène. L’inceste commis par un mineur est pourtant le produit d’une organisation familiale et sociale défaillante ( violences intra familiales, absence de cadre autour de la sexualité, injonction au silence, déni, secrets gardés..) qui met en danger les victimes, mais également les auteurs mineurs.
Il est tout d’abord important d’aider les enfants à identifier une situation d’inceste. En effet, beaucoup d’enfants n’ont pas assez de connaissances pour savoir si la relation intime établie avec l’un des membres de sa famille est acceptable ou non. Il est donc très important de sensibiliser les enfants à cette forme de violence intrafamiliale pour qu’ils puissent détecter une situation anormale et dangereuse à leur encontre très rapidement et en parler.
Il est aussi essentiel de former les professionnels de l’enfance à recevoir la parole des enfants, à les écouter pour détecter une quelconque situation d’inceste qui pourrait gravement nuire à leur santé et à leur développement. L’information des autorités compétentes est une obligation :
« Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ». (Article 434-3 du code pénal)
Ce colloque a pour but de donner à tous professionnels dont les fonctions les mettent en contact avec les enfants ou à toute personne suspectant une maltraitance, des outils pour repérer ces enfants et leur permettre que « les mots soient visibles » comme le dit l’auteur Christine Angot dans son livre « le voyage dans l’Est » et des outils pour prévenir.