Jacaranda

Le 14 Août 2024, parait le second roman de Gaël Faye : « JACARANDA ».

2024, année de la commémoration du génocide rwandais, le dernier génocide du XXe siècle. Gaël Faye nous offre un très beau livre à la mémoire des victimes de ce génocide. Il nous livre une histoire d’amitié et de résilience qui explore l’histoire du Rwanda sur 4 générations, dévoilant d’une part la profondeur extrême de cette blessure en remontant aux prémices du génocide et relatant d’autre part les conséquences sur la population actuelle trente ans après le drame. Ce magnifique roman raconte les efforts d’une jeune homme Milan qui grandit en France, de père français et de mère rwandaise, pour reconstituer, malgré le silence familial le parcours tragique des siens.

Il est alors en 6ème lorsqu’il découvre les images du massacre rwandais à la télévision française ; une médiatisation qui le poussera à s’interroger sur ses origines. Mais, il se heurtera sans comprendre au mutisme glacial de sa mère Venancia, qui a choisi d’enterrer ses souvenirs, d’enfouir ses origines depuis son arrivée en France. Ce mutisme, c’est le SILENCE IMPOSANT des survivants... un SILENCE ASSOURDISSANT qui pèse sur les victimes mais aussi sur leurs familles et les enfants nés après la tragédie.

Stella (petite fille rwandaise) représente ces enfants de la nouvelle génération portant les stigmates du passé. À travers elle, on découvre les terribles répercussions psychiques sur les nouvelles générations quand elles ont été privées de mots.

Stella qui n’a certes pas connu le génocide, se réfugie, perchée dans les branches de son arbre fétiche un « Jacaranda » (arbre aux fleurs mauves), et observe la douleur de ses ancêtres et tente de percer les secrets que lui dissimulent les adultes et cherche à comprendre ce qu’elle n’a pas vécu.  Seule dans son arbre, elle refoule ses émotions, jusqu’à générer une certaine frustration voire même une sorte de colère « Pourquoi je n’ai pas le droit de savoir ?». Ce silence omniprésent témoigne de la souffrance et du traumatisme des victimes. Mais sous prétexte de vouloir protéger, ce silence finit par créer de l’insécurité.

Comme l’explique très bien Boris Cyrulnik, neuro psychiatre spécialisé dans le concept de la résilience : « Si on parle, on transmet l’horreur… mais si on se tait, on transmet l’angoisse du vide et de la non-représentation ». Comme solution, Boris Cyrulnik propose celle du tiers médiateur, du porte-parole, qui peut être par exemple la littérature, car par le détour des mots, on peut mettre à distance l’émotion qui nous fait taire...

Dans « Jacaranda » ce tiers médiateur c’est l’écrivain Gaël Faye. Briser le silence, c’est comme se heurter à un tabou culturel... Lors de la sortie de son roman, Gaël Faye confie « J’ai conscience de briser le pacte du silence »

JACARANDA n’est pas une suite de PETIT PAYS (premier roman de Gaël Faye paru en 2016)... mais une pièce du même puzzle.

Le puzzle que représente la terrible histoire du Rwanda, ce petit pays qui s’essaie malgré tout au dialogue et au pardon et se reconstruit aux prix d’énormes efforts, avec notamment la mise en place de tribunaux populaires inspirés de pratiques communautaires.  Ces tribunaux appelés « Gacaca » ont permis le nécessaire procès des quelques centaines de milliers de personnes accusées de participation au génocide des Tutsi de 1994, mais aussi permis également de libérer la parole des survivants et permettre aux familles de faire leur deuil.

La reconstruction nationale passe par le dialogue. Gaël Faye souligne l’importance de la TRANSMISSION INTERGÉNÉRATIONNELLE au travers de cette fresque familiale. C’est en effet la rencontre de Milan (au travers ses voyages au Rwanda) avec Stella et son arrière- grand- mère Rosalie, qui va être déterminante pour qu’il puisse comprendre le destin de sa lignée maternelle, mais aussi les drames et les traumatismes qui ont jalonné le Rwanda depuis plusieurs générations depuis les débuts de la colonisation belge.

« Jacaranda » est un roman où se mêlent mémoire et résilience, douleur et espoir. Il remonte le temps, dévoile le rôle majeur joué par les colons et les divisions imposées par les politiques d’ethnicité. On y découvre les éléments précurseurs qui ont amené à ce point culminant de violence qui a laissé le Rwanda exsangue en 1994. Gaël Faye rappelle à travers ce roman comment les traumatismes se transmettent d’une génération à l’autre et comment la parole et la recherche de vérité sont indispensables à la survie. À 42 ans, Gaël Faye remporte le prix Renaudot pour son 2e roman, 3 mois après sa parution.

Écrit par Vanina Chareyre

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