Les Grecs et les Romains avaient-ils peur du clitoris ?

Jacqueline Castany – Novembre 2025 D’après l’article de Christian Georges Schwentzel Professeur d'histoire ancienne, Université de Lorraine paru dans « The Conversation ».

Si la description anatomique du clitoris n’est apparue dans certains manuels scolaires français qu’en 2017, c’est que cet organe du plaisir féminin, bien que connu sous ce nom au moins depuis 1559, a longtemps fait l’objet d’une véritable omerta.
Au cours de l’histoire, les éléments concernant le plaisir sexuel des femmes ont été souvent effacés, présentés comme dangereux ou obscènes. Et l’Antiquité, à ce titre, ne fait pas exception.

Aujourd’hui, à rebours de ces représentations négatives, des artistes exaltent au contraire la puissance clitoridienne, devenue un symbole de revendication féminine.

 

« Le clitoris et le poète »

Dans la série Rome (2005-2007), le légionnaire Titus Pullo donne quelques conseils au centurion Lucius Vorenus qui souhaite faire plaisir à sa femme, Niobé :

« Quand tu fais l’amour avec elle, touche le bouton qu’elle a entre les cuisses, elle s’ouvrira alors comme une fleur.
– Comment sais-tu que Niobé a ce bouton ?
– Toutes les femmes en ont un. »

Ovide, dans L’Art d’aimer, ne nomme pas le clitoris, mais il évoque déjà la recherche du plaisir féminin. Le poète ne parle pas du clitoris dans son ouvrage. Peut-être y fait-il néanmoins allusion, lorsqu’il écrit :

« La pudeur interdit à la femme de provoquer certaines caresses, mais il lui est agréable de les recevoir quand un autre en prend l’initiative. » (L’art d’aimer I, 705-706)
Une pudeur sociale entoure pourtant cet organe, qu’il faudra des siècles à redécouvrir pleinement.

 

« Nymphe et clitoris : la vision des médecins antiques »

Les médecins grecs et latins, comme Soranos d’Éphèse, décrivent le clitoris sous le nom de nymphé, signifiant qu’il doit être caché comme le visage de la jeune mariée vierge sous son voile. A la même époque Rufus d’Ephèse le nomme kleitoris en lien avec kleio signifiant « je ferme » avec la même idée que le clitoris doit être caché.
Quand il dépasse, on dit ektemnein : « enlever en coupant ». Cette amputation était pratiquée de façon courante en Égypte, comme l’écrit le géographe Strabon (Géographie XVII, 2, 5).

« Fulvie, prends ça dans le clitoris ! »

En latin, numphé est traduit par landica qui étymologiquement pourrait évoquer un petit gland. On le retrouve gravé comme une insulte sur des frondes utilisées lors de guerre comme à Pérouse en Italie en 40-41 av JC lors de la guerre opposant Fulvie, épouse de Marc Antoine, contre Octave, futur empereur Auguste : « FVLVIAE LANDICAM PETO »

Balle de fronde en plomb, 41-40 av. J.-C. Représentation de la foudre et inscription : FVLVIAE LANDICAM PETO (Musée archéologique, Pérouse). Dessin : Christian-Georges Schwentzel, Author provided

 

« Le clitoris objet de dérision »

Un grafiti dans Pompéi traite une femme de « landicosa » à « gros clitoris » image obscène et dégradante et injurieuse sous entendant une monstruosité

Une mosaïque retrouvée toujours à Pompéi dans une maison bourgeoise représente un serviteur portant deux vases de forme phallique, tandis que son pénis, imposant, dépasse de son pagne serré. Certainement une manière de provoquer le rire le spectateur par l’association entre cette représentation triplement virile et l’image d’une féminité factice, constituée d’instruments sportifs masculins.

 Mosaïque du caldarium de la maison de Ménandre, Pompéi.

 

« Le clitoris comme menace »

Contrairement au phallus, porte-bonheur bénéfique, le clitoris était perçu comme une arme, une épine redoutable.
Les poètes grecs, comme Nicarque, le représentent comme une menace pour l’homme.
L’acte de pénétration est alors perçu comme seul moyen de le “dompter”.

« Le cochon a une redoutable épine »

Le « cochon » est un terme familier désignant la vulve, tandis que l’« épine » représente le clitoris, perçu comme un petit pénis constituant une menace pour les lèvres de l’homme. D’où l’interdiction de pratiquer le cunnilingus au risque de se couper !

Un symbole de domination féminine

De Circé à d’autres figures mythiques, la puissance féminine se lie à la séduction, au pouvoir et à la crainte. Le clitoris, symbole invisible, devient le centre d’un imaginaire où l’homme cherche à reconquérir son autorité. L’histoire des Grecs et des Romains révèle ainsi la peur d’un plaisir féminin libre et autonome.

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