FEMMES pour le Meilleur – L’actualité du SOROPTIMIST International France
En quittant les bords du lac Tanganyika, nous laissons Bujumbura, bruyante, dans la brume ouateuse de chaleur, et après une longue route sinueuse nous nous élevons à travers les vertes collines, cultivées, où poussent café et thé, ainsi que les plantes maraîchères. Nous sommes dans la « Suisse Africaine », le pays aux mille collines.
Sur le bord des routes menant sur les hauts plateaux, cheminent perpétuellement telle une parade en un long cortège immuable depuis la nuit des temps, des femmes richement vêtues de pagnes aux couleurs chatoyantes, qui vont des champs cultivés au marché, avec des paniers sur la tête et un enfant dans le dos, protégées du soleil par d’immenses ombrelles multicolores.
Images d’une Afrique éternelle ou carte postale d’un tourisme mort-né, nous sommes dans un pays pauvre parmi les plus pauvres de la Terre, un pays qui n’intéresse personne ou presque, nous sommes au Burundi.
Sorti il y a une dizaine d’années d’une guerre fratricide faisant plus de 300.000 morts, il est, avec le Rwanda, le plus petit pays d’Afrique, dont la silhouette sur une carte ressemble si parfaitement à un cœur planté en plein milieu de cet immense continent. Arrosé par des pluies régulières et abondantes, amenées par les moussons d’Est, nous sommes dans l’Afrique verte. L’habitat y est clairsemé à travers les collines et les champs irrigués par des cours d’eau toujours bondissants et rafraîchissants.
Août 2012. Voici presque trois ans déjà, je m’envolais pour une première mission de compagnonnage chirurgical à l’hôpital Réma de Ruyigi, dans l’est du Burundi, terre déshéritée dans un pays magnifique à la nature accueillante, mais où les Femmes sont malheureusement oubliées.
Être Femme dans ce pays est difficile, très difficile. Ignorée des décideurs. Vie et mort se côtoient plus qu’ailleurs. Le plus souvent mariée dès l’âge de 15 ans, la première grossesse arrive vite, trop vite. 50% d’entre elles accouchent encore à la maison, « à la case », seules, loin de toute assistance médicale. Aujourd’hui encore, une Femme sur 120 va mourir en essayant de donner la vie. (Chez nous 1 sur 15.000). Si elle échappe à un tel drame, rien ne dit que l’accouchement sera simple, très souvent long, très long. Ainsi des complications disparues chez nous depuis un siècle, telles que les Fistules Obstétricales, Vésico-vaginales, vont anéantir ces jeunes femmes non préparées. Après des heures, des jours de travail d’accouchement, le Bébé meurt. La tête du Bébé a comprimé pendant trop longtemps la vessie ou le rectum. A ce niveau l’organe se nécrose et un trou se fait entre la vessie, le rectum et le vagin. Quand enfin, on les a délivrées du Bébé mort, naturellement ou plus souvent par césarienne, elles perdent les urines en permanence et parfois aussi les selles. Elles sentent mauvais et les mouches ne les quittent pas. Elles sont rejetées par le mari, ignorées par leur famille. Elles sont mises dans l’arrière-cour, près du fumier, là où personne ne pourra jamais les voir sur leurs collines pourtant si belles. Chassées par leurs familles, oubliées par les médecins du pays, car trop pauvres, personnes inconnues par les gouvernements successifs, qui ont d’autres impératifs, elles survivent ainsi une vie entière, faite de honte, d’humiliations, de tristesse et de désespérance.
Ce triple drame de femme, de mère et d’épouse n’est pas spécifique au Burundi, mais se rencontre dans encore beaucoup de pays où la Santé reste un privilège et non un Droit.
Depuis quelques décennies, des équipes de chirurgiens et de gynécologues, en activité ou à la retraite, viennent du Nord, pendant quelques semaines les écouter, les prendre en charge et les opérer, afin de leurs rendre un semblant de dignité pour qu’elles puissent de nouveau s’intégrer dans leur société, et parmi les plus chanceuses, avoir un enfant. Ainsi, depuis quelques années, d’abord à Bujumbura la capitale et, depuis 2012 à Ruyigi à l’hôpital Réma, fondé en 2008 par une Femme remarquable, une Femme de cœur, Madame Marguerite Barankitse, des équipes de « Gynécologie sans Frontières » (GSF) font des missions chirurgicales biannuelles de 3 à 4 semaines pour rendre leur dignité à ces Femmes. Plusieurs centaines de ces Femmes porteuses de fistules obstétricales ou de prolapsus génitaux ont ainsi pu retrouver le sourire, parfois un mari, et quelquefois être de nouveau enceinte.
La philosophie de cette « petite » ONG française est de « Former, Transmettre sans se Substituer ». Elle a, au cours des six missions passées, formé deux médecins burundais, qui à leur tour maintenant prennent en charge ces Femmes vulnérables et handicapées. On estime au BURUNDI plus de 700 nouveaux cas par an de fistules obstétricales et des milliers de prolapsus.
Un remarquable projet, innovant, soutenu par GSF et par Maison Shalom, l’ONG de Marguerite Barankitse, vient de voir le jour et sera fonctionnel en cette fin de 2015. La création d’un Centre de Référence Burundais de la Prise en Charge Globale des Femmes Victimes des pathologies gynécologiques handicapantes et invalidantes: Fistules Obstétricales simples ou aggravées, Prolapsus Génitaux complets, et Incontinences d’urine. Seuls deux centres identiques existent actuellement en Afrique.
GSF, depuis 20 ans vient en aide aux Femmes en situation de précarité dans le Monde, favorise l’accès à la santé, en faisant respecter les droits fondamentaux de la Femme et n’accepte pas les violences faites aux Femmes telles que cette maltraitance due à l’ignorance et la pauvreté.
Ce chemin croisé entre Soroptimist et GSF n’est pas un hasard. Les actions communes et respectives, ainsi amplifiées et magnifiées, ont permis un partenariat essentiel au profit des Femmes. La philosophie est presque commune: « Comprendre, Défendre, Entreprendre » pour les unes, « Former sans se substituer, Apprendre, Comprendre » pour les autres. Ainsi ont été créées des opportunités pour améliorer les conditions de vie de ces Femmes et de ces Enfants, grâce à un réseau de membres et de partenaires.
Partie prenante dans le soutien à la candidature de Marguerite Barankitse, fondatrice de la « Maison Shalom », au 6ème Prix de la Paix SIE, GSF écrit une nouvelle page avec les clubs Soroptimist du Var, partenaires privilégiés et l’Union Française qui porte ce projet pour l’ensemble des Soroptimist de France.
C’est un immense bonheur de coopérer pour que ces Femmes, oubliées de presque tous, réintégrées dans leur dignité reprennent leur marche le long des routes, vêtues des pagnes traditionnels aux couleurs éclatantes, visibles et fières, citoyennes libérées dans un Burundi où il fait bon vivre… à nouveau.
Merci pour Elles, Femmes d’Afrique et d’Ailleurs.
Secrétaire général de « Gynécologie Sans Frontières »
Soroptimist International : http://www.soroptimist.fr/
Maison Shalom/Hôpital Réma : www.maisonshalom.org