Juin, mois des fiertés

 

Le climat politique actuel, les agitations autour des élections législatives, les intérêts économiques et écologiques, ne doivent pas faire dévier nos regards de nos valeurs fondamentales en tant qu’ONG et humanistes, et comme le dit Anne -Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes : « Le Féminisme c’est se battre pour que nous soyons tous et toutes égaux et libres, peu importe d’où l’on vient, qui on aime ou quel est notre sexe ».

Les combats féministes et LGBTQI+ sont intimement liés, historiquement et contemporainement, tant dans l’opposition que dans la conjonction.

Un peu d’histoire

C’est en 1967 que l’on trouve pour la première fois le mot PRIDE associé à la lutte pour la reconnaissance et l’avancée des Droits pour les personnes LGBTQi+. En effet, en janvier de cette année-là, le Black Cat Tavern, à Los Angeles est perquisitionné. Le raid déclenche une série de manifestations organisées par P.R.I.D.E. (Droits personnels dans la défense et l’éducation).

Mais l’histoire retiendra les émeutes de Stonewall comme le point de départ pour la lutte pour la reconnaissance des droits des personnes LGBTQI+. Le 28 juin 1969, une descente de police au Stonewall Inn, un bar fréquenté par la communauté LGBT new yorkaise, donne lieu à de violentes manifestations.

« Dès l'année suivante à New York, des gens organisent une marche – qui ne s'appelle pas encore Gay Pride – pour commémorer ces émeutes, raconte Hugo Bouvard, maître de conférences en histoire et sociologie des États-Unis, et spécialiste des mouvements LGBT+. Puis ça s'étend à Los Angeles, à Chicago… Dans les années 70, ce sont des marches ponctuelles, annuelles, sans idée que ça s'étende sur la semaine ou sur le mois. »

Le passage au mois des fiertés s’est fait progressivement, à l’échelle locale puis nationale, en passant par des « jours », des semaines, puis le mois des fiertés.

La reconnaissance officielle nationale du mois de juin comme mois des fiertés arrive en 1999 avec le président américain Bill Clinton.

Les liens entre le militantisme français et celui made in USA sont évidents, avec la reprise des dates et de la commémoration de Stonewall, avec une adaptation à une réalité bien française : la centralisation Parisienne ! Pendant très longtemps, il n’y avait que des marches parisiennes, ce n’est que vers les années 90 que d’autres grandes villes de France se mettent à organiser leurs marches.

Encore aujourd'hui, la marche des fiertés parisienne est celle qui rassemble le plus de monde, avec plus de 56.000 manifestants en 2023 d'après la police, surpassant en nombre les marches américaines où les distances géographiques sont plus importantes et la centralisation est moindre.

Féminisme et droits LGBT+, un même combat ?

L’histoire entre les deux communautés est loin d’être un long fleuve tranquille mais leurs divergences sont compensées par de nombreux combats communs.

Comme l’explique Guillaume Marche, professeur de civilisation américaine :

« Parler du rapport que les mobilisations homosexuelles aux États-Unis entretiennent, depuis les années 1970, avec le féminisme de la deuxième vague revient souvent à poser la question de la concurrence ou de la complémentarité entre ces deux mouvements. La question du lesbianisme fut en effet le motif de maints débats, conflits et divisions au sein du mouvement féministe et la domination masculine reste très présente dans les mobilisations homosexuelles contemporaines. »

Certaines féministes ont toujours craint en effet l’amalgame qui pouvait être fait, par les antiféministes notamment, entre militantes en faveur de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, et les homosexuelles. À tel point que certaines militantes féministes refusaient que soient inscrits dans leurs revendications l’égalité des droits en faveur de la communauté LGBT.

En revanche, il n’est pas rare de trouver une réelle influence féministe au sein des mouvements gay, c’est-à-dire homosexuels masculins. D’abord dans la dénonciation d’un modèle unique genré que la société patriarcale veut imposer et, à travers lui, celle de la cellule familiale traditionnelle : le mari au travail et la mère au foyer. Ce modèle est donc rejeté par les homosexuels et les féministes dès les années 60.

Dans les années 80, l’épidémie de VIH/SIDA atteint durement la communauté gay, accompagnée d’une terrible vague d’homophobie. Les centres de soins informels, créés pour éviter la stigmatisation de l’homosexualité et la discrimination dont ils étaient victimes dans le système classique, ne sont pas sans rappeler les centres d’avortement clandestins ou de planning familial non autorisés dans lesquels les femmes pouvaient se rendre avant la légalisation de la contraception et de l’avortement. Les femmes se sont d’ailleurs massivement mobilisées pour aider leurs « frères » malades.

Encore aujourd’hui, les luttes contre les discriminations homophobes et sexistes se rejoignent dès qu’il s’agit de refuser le modèle de société actuel pensé et construit pour le mâle (blanc) supradominant.

Les droits récemment acquis de haute lutte : PACS, mariage pour tous et PMA pour toutes font écho à ceux des féministes en faveur de l’égalité des droits. En effet, la loi bioéthique ne concerne pas uniquement les couples lesbiens mais également les femmes célibataires.

Les personnes transgenres restent les grandes oubliées de cette lutte, et une cause pour laquelle s’unir entre communautés.

De la lutte contre la discrimination à la promotion de l’inclusion

Les discriminations et les violences homophobes persistent en Europe en 2023, sans parler du reste du monde. Selon une enquête de l’agence européenne des droits fondamentaux, un tiers des personnes LGBTQIA+ en Europe avait le sentiment de faire l’objet d’une discrimination, plus de la moitié des personnes sondées déclaraient éviter de tenir la main de son ou sa partenaire en public et plus de la moitié des répondant-e-s estimaient que les violences homophobes avaient augmenté dans leur pays ces cinq dernières années. Un constat effarant !

Dans l’Europe de 2024, les droits des personnes LGBTQIA+ sont la cible des mouvements anti-genre et conservateurs. Les cas de la Hongrie et de la Pologne illustrent le backlash européen et démontrent que ces droits, comme ceux des femmes, sont fragiles.
L’Europe est un échelon crucial pour impulser des politiques féministes et inclusives à l’échelle du continent mais également à travers le monde.

Il n’est donc plus question aujourd’hui uniquement de lutter contre la discrimination à l’encontre des personnes LGBTQIA+ par l’amélioration et l’application de la protection juridique contre les discriminations, mais de répondre devant la justice aux crimes de haine, de prendre des mesures contre les discours haineux en ligne, et d’aller encore plus loin en promouvant l’inclusion et la diversité sur le lieu de travail, ainsi que la protection internationale des personnes concernées, en intégrant ces problématiques dans les relations extérieures de l’UE.

Notre rôle en tant que citoyennes et citoyens, membres d’ONG, humanistes de tous bords, est donc crucial dans le choix de nos législateurs nationaux et européens, pour que l’enjeu des droits fondamentaux des femmes et des minorités de genre reste au cœur des décisions politiques.

Sources

https://www.associationfrancaisedufeminisme.fr/2020/11/09/luttes-feministes-et-lgbtqi-meme-combat/

L’internaute

OXFAM France https://www.oxfamfrance.org/inegalites-femmes-hommes/les-droits-lgbtqia-au-sein-de-leurope/

BOUVARD Hugo, ELOIT Ilana, QUéRé Mathias, Lesbiennes, pédés, arrêtons de raser les murs. Luttes et débats des mouvements lesbiens et homosexuels (1970-1990). La Dispute, « Le genre du monde », 2023, ISBN : 9782843032707. DOI : 10.3917/disp.bouva.2023.01. URL : https://www.cairn.info/lesbiennes-pedes-arretons-de-raser-les-murs--9782843032707.htm

Féminisme et politisation de l’homosexualité masculine : contiguïté ou imbrication ?, Guillaume Marche – Revue française d’études américaines 2007/4 (n° 114)

 

Par Joelle Safi

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