Merci Maggy d'être Maggy

Quand on me pose la question pourquoi fais-tu de l'humanitaire depuis plus de 25 ans je réponds un peu “provoc” que c'est par égoïsme et pour m’enrichir !

L'humanitaire c'est « aider » l'autre, celui qui est dans le besoin, la détresse, en lui apportant du soutien, des moyens, des connaissances, ou des soins pour les ONG de santé, comme Gynécologie Sans Frontières.

Force est de constater que l’humanitaire peut être délétère ! Il perturbe l’équilibre social et sociétal, il est source de pollution par les apports anarchiques de matériels, ainsi que les trop nombreux dons spontanés pas toujours adaptés.

Soyons humbles sur nos objectifs. Nos résultats sont souvent en deçà de nos espérances et ne rien détruire est déjà une victoire. Améliorer durablement la vie des populations me semble utopique. En revanche comme acteur humanitaire j’en retire un bénéfice conséquent.

Dans toutes les missions accomplies, je retrouve constamment la joie de la rencontre avec l’autre, avec des femmes, des hommes extraordinaires !

Tant de misère, d’injustice, d’échec, de déception, ne seraient pas supportables sans cette contrepartie heureuse à chaque mission. Plaisir de rencontrer l’autre, avec ses qualités, ses défauts, sa culture, ses différences. Ce bonheur prend source dans un climat bienveillant nourri d'empathie, de gratitude, d’amour.

Je ne pourrais pas citer toutes les personnes que j'ai eu la chance de rencontrer au cours des missions. Alors je vais parler de celle quiatoutchangé! Commeonditilyaeuunavantetunaprèsma rencontre avec Maggy.

Marguerite Barankitse, « la folle, l’ange, la Nelson Mandela du Burundi », la femme aux 10 000 orphelins a le prix Nobel perpétuel dans mon cœur.

Novembre 2009 je me retrouve embarqué sans grande motivation dans une mission d'évaluation diligenté par l’UE, afin d'évaluer la capacité de 9 hôpitaux de l'Est du Burundi, à prendre en charge les urgences chirurgicales et obstétricales.

Mission désagréable pour moi car on agit comme des « inquisiteurs » débarquant dans un hôpital pour prendre en note tous les chiffres possibles : opérations, actes, matériels, personnels, mortalité, morbidité, fonctionnement, etc.

Le but étant de constater la grande précarité et apporter une solution par la formation chirurgicale des 2 ou 3 médecins généralistes isolés qui gèrent ces hôpitaux périphériques. Médecins qui n’ont rien demandé et qui subissent ces visites soi-disant expertes !

On entend parler d'une femme extraordinaire à Ruyigi, qui s'occupe de milliers d’orphelins ayant perdus leurs parents durant la guerre

Utu-Tutsis. Elle a créé avec son association « Maison Shalom » toutes les infrastructures de la ville, « MaggyLand » qu’elle confie aux enfants de Maggy devenus grands : hôtels, restaurants, écoles, un cinéma, une piscine, des centaines de logements regroupant les orphelins avec des membres survivants de leur famille ou des éducateurs, un garage, de l’artisanat, de la maintenance informatique, de l’agriculture, et surtout un hôpital, l’hôpital Rema construit grâce à Maggy avec l’argent des prix honorifiques qu’elle collectionne à travers le Monde.

L’hôpital Rema ne faisait pas partie des hôpitaux publics que nous devions évaluer. Notre mission d’évaluation « institutionnelle » ne voulait pas entendre parler de Maggy. Trop de lumière et trop d’efficacité. Nous avons décidé de désobéir et d'aller visiter cet hôpital. Cette désobéissance fut la chance de ma vie.

Après avoir visité des hôpitaux de district tous délabrés, nous découvrons un véritable palais.

« La santé n’est pas un privilège, c’est un droit ! » « Oui c’est un endroit somptueux car nous sommes toutes et tous des princesses et des princes ».

Le soir Maggy nous convie à sa table. Nous étions 5 (un chirurgien, un logisticien, un pédiatre, une sage-femme, un gynéco) dans nos petits souliers, comme si nous allions diner chez le pape.

Ce que nous avons cette soirée ne peut se décrire. Nous sommes sortis totalement groggy, KO. Maggy nous a raconté sa vie, depuis le massacre d’octobre 1993. Un livre ne suffirait pas pour décrire ce que nous avons entendu et vécu.

Cette magnifique rencontre m’a fait progresser, m’a enrichi. J’ai compris grâce à Maggy que seul le pardon permettait de survivre à l’horreur.

J’ai vu des enfants soigner les bourreaux de leurs parents. J’ai vu une fille demander au bourreau de ses parents de les remplacer. L’effet Maggy.

Les bourreaux ne le sont pas par vocation ou idéologie, ils le deviennent. En devenant bourreaux, ils font des victimes qui deviendront par vengeance à leur tour des bourreaux. Et ainsi de suite sans fin si le pardon ne vient pas stopper ce mouvement. Le pardon n’effacera jamais la tristesse, le traumatisme, mais cela permettra de continuer de vivre.

Comme dit Maggy les pages de la vie sont parfois très douloureuses. Il faut lire la page, pleurer sa tristesse pour pouvoir tourner la page pour continuer de vivre.

Maggy et ses « enseignements » m’ont rendu très riche ! Merci Maggy d’être Maggy.

Christel Martin : La Haine n'aura pas le dernier mot : Maggy, la femme aux 10 000 enfants, Paris, Albin Michel, octobre 2005, 217 p.

https://maisonshalom.org/la-fondatrice-2/

 

Écrit par Richard Matis

 

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