Nouvelle mission GSF en Guinée à Labé - Septembre 2024

Situation actuelle en Guinée :

Située en Afrique de l’Ouest, la Guinée compte 11 883 516 habitants en 2018 [1]

Malgré ses efforts, le pays conserve une forte mortalité maternelle, avec 679 décès (504-927) pour 100 000 naissances vivantes. L'objectif de "140 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes et 20 décès néonatals pour 1 000" est assigné à la Guinée d’ici à 2030 [2]. Les 446 maternités du pays réalisant plus de 20 accouchements par mois couvrent, à deux heures de trajet, 94 % de la population.

C'est un progrès, mais c'est encore très insuffisant au regard des chiffres de morbi-mortalité maternelle et néonatale.

L'une des pathologies maternelles récurrentes, liée au manque d'accès rapide au lieu d'accouchement mais aussi au diagnostic tardif de dystocies ou de pathologies du travail, est la fistule obstétricale.
Qu'est-ce qu'une fistule obstétricale ? Il s'agit d'une pathologie gynécologique très fréquente chez les femmes d'Afrique subsaharienne, résultant de très mauvaises conditions d'accouchement et entraînant un handicap avec incontinence urinaire, voire fécale. Ces femmes perdent leur identité et leur rôle dans la société guinéenne, car elles sont exclues de leur famille et, plus généralement, de leur village tant le handicap est important.

Objectif de la mission :


Gynécologie Sans Frontières (GSF) a été sollicitée pour être partenaire de la mission Olistic initiée par le Dr Jérôme Blanchot, médecin gynécologue-obstétricien, investi depuis 16 ans pour la Guinée. Cette mission fait suite au vaste programme Momentum, dont le rôle dans la prise en charge des fistules obstétricales est essentiel. La région de Labé en Guinée bénéficie de la présence, quinze jours par mois, d'un urologue et d'une gynécologue qualifiés et certifiés en réparations de fistules obstétricales : le Dr Kindy Diallo et le Dr Sita Millimono, médecins guinéens, qui ont établi la possibilité de créer un centre de formation d'excellence en matière de prise en charge des fistules à Labé. Une collaboration entre médecins gynécologues et urologues s'est naturellement établie avec la France, et c'est ainsi que le Dr Rosenthal, président d'honneur de GSF, ainsi que le Dr Blanchot et le Dr Jean-Marie Colas, ont débuté une collaboration pour l'enseignement du traitement chirurgical des fistules en avril 2024.

En faisant appel à GSF, le programme Olistic souhaitait également s'élargir vers une formation plus polyvalente englobant toute la pelvipérinéologie : les fistules, les prolapsus, en particulier chez les femmes jeunes, et les incontinences urinaires. C'est ainsi qu'Olistic se déclinera en trois sessions par an de 14 jours chacune pendant 5 ans. Globalement, chaque mission aura deux volets : un volet mission de formation théorique et pratique sur la thématique de la pelvipérinéologie et un volet évaluation-formation des centres SONU (soins obstétricaux et néonataux d'urgence).

Pourquoi ce volet évaluation-formation est-il essentiel dans la prise en charge des fistules obstétricales ?

Les pathologies gynécologiques précédemment citées sont directement liées aux conditions de suivi des femmes durant la grossesse et en post natal. L’amélioration de la prise en charge est un axe majeur de la prévention de ces lourdes pathologies. En sensibilisant les professionnels de santé, et en leur donnant accès à la formation continue, ces pathologies peuvent diminuer.

C'est pour ce deuxième volet que le Dr Laurence Pecqueux, médecin gynécologue-obstétricienne et administratrice de GSF, et moi-même, Florence Comte, sage-femme présidente de GSF, nous nous sommes déplacées pour rejoindre la préfecture de Labé, où nous avons sillonné les pistes dans un rayon de 100 km pour aller à la rencontre des équipes de santé prenant en charge les femmes enceintes pour leur suivi de grossesse et leur accouchement. Cette mission d'évaluation avait déjà commencé en avril par une équipe similaire de la Clinique de la Sagesse à Rennes. Notre objectif a été d'évaluer la situation sanitaire locale et de proposer des recommandations, avec un accompagnement par la mise en place d'un dispositif pédagogique adapté aux professionnels de santé locaux et au terrain.

C'est pour ce deuxième volet que le Dr Laurence Pecqueux, médecin gynécologue-obstétricienne et administratrice de GSF, et moi-même, Florence Comte, sage-femme présidente de GSF, nous nous sommes déplacées pour rejoindre la préfecture de Labé, où nous avons sillonné les pistes dans un rayon de 100 km pour aller à la rencontre des équipes de santé prenant en charge les femmes enceintes pour leur suivi de grossesse et leur accouchement. Cette mission d'évaluation avait déjà commencé en avril par une équipe similaire de la Clinique de la Sagesse à Rennes. Notre objectif a été d'évaluer la situation sanitaire locale et de proposer des recommandations, avec un accompagnement par la mise en place d'un dispositif pédagogique adapté aux professionnels de santé locaux et au terrain.

Pour cette session dédiée à l'évaluation, nous avons visité neuf centres de santé SONU B (soins obstétricaux de base) et SONU C (possibilité de césarienne et de transfusion), ainsi qu'un centre non SONU et un poste de santé. Nous avions établi une grille d'évaluation issue des recommandations pour l'évaluation des SONU élaborées par l'UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la population) en 2016 avec l'aide de l'OMS et de l'UNICEF. Sur place, nous avons constaté que, même si peu de femmes accouchent à domicile, un grand nombre d'entre elles sont éloignées des centres et postes de santé, avec des distances à parcourir très importantes, parfois jusqu'à 12 heures, sur des pistes dégradées par les intempéries. Les heures de travail avant l'accouchement se déroulent donc à pied, à moto ou dans des véhicules peu confortables. Une fois arrivées au centre SONU B ou au poste de santé le plus proche, soit le travail est bien amorcé et la femme accouche normalement, soit le déroulement du travail est problématique et cela peut conduire à référer la femme vers un SONU C où une césarienne pourra être faite. C'est alors qu'un nouveau transfert doit se faire dans les mêmes conditions décrites précédemment. On peut donc imaginer quelles peuvent être les conséquences en termes de morbi-mortalité maternelle et fœtale entre les temps de transport et le diagnostic « retardé » de la pathologie. Nous avons pu constater que les diagnostics de non-progression de la tête fœtale dans le bassin maternel sont difficiles à poser dans les centres SONU B et postes de santé ; en témoigne le taux de recours aux ventouses extrêmement faible. À noter que le sondage avant accouchement, permettant d'éviter les lésions vésicales, n'est pas toujours possible en raison du manque de matériel.

Tous ces retards ou absences de prises en charge dans des délais acceptables conduisent inévitablement à multiplier les facteurs de risque de lésions obstétricales telles que les fistules, et très fréquemment, le personnel n'est pas en mesure de prévenir ni de dépister celles-ci par manque de formation.

La synthèse de ces évaluations nous a permis de proposer quatre axes d'action :

  1. Le renforcement des ressources humaines. Le personnel a largement exprimé le besoin de formation, notamment de formations très pratiques, comme : accouchement dystocique, siège, pathologies de la grossesse, réanimation du nouveau-né, dépistage des fistules obstétricales. Une supervision pour l'organisation des professionnels et leur remplacement en cas d'absence est préconisée afin de leur permettre repos compensatoire et formation. Un salaire pour tous les personnels de santé s'avère indispensable, ce qui n'est pas le cas actuellement. La majorité d'entre eux vivent dans les locaux du centre ou du poste de santé ; ce sont les villageois ou leur famille qui subviennent à leurs besoins.
  2. Le renouvellement du matériel, voire l'achat de nouveau matériel et de médicaments essentiels à une bonne prise en charge obstétricale : kit d'accouchement, sonde urinaire, kit de réanimation nouveau-né, poire d’aspiration, sonicaid fonctionnel, ventouse, table d’accueil ou chauffante pour le nouveau-né. Concernant les médicaments, nous constatons des manques récurrents de sulfate de magnésium et d'antihypertenseurs dans certains centres.
  3. La réorganisation du service avec une formation spécifique des chefs de centre portant sur le matériel et l'hygiène.
  4. Le renforcement des infrastructures avec la rénovation des locaux, l'installation de l'eau courante et des sanitaires, ainsi qu'une distribution d'électricité en continu.

De retour à Labé, nous avons rendu visite à toutes ces femmes opérées de leur fistule et nous avons pu mesurer l'étendue des dégâts anatomiques, très impressionnants. Une fois opérées, ces femmes bénéficieront d'un accompagnement psychologique. Elles seront aussi rééduquées à la vie sociale et placées dans des familles d'accueil où elles réapprendront à vivre au quotidien après parfois des années d'isolement. Elles rejoindront à nouveau leur village ou un autre en fonction de leur envie. Certaines, dont la chirurgie aura échoué parce qu'elles sont trop atteintes anatomiquement, apprendront à gérer leur handicap et bénéficieront aussi de cette resocialisation dans des familles d'accueil où elles resteront définitivement afin de ne plus être isolées et rejetées.

Sources :

[1] Projections 2018 du recensement général de la population et de l'habitat 2014 effectuées par : UNFPA/UE/Banque africaine de développement

[2] OMS, Accélération vers les cibles des Objectifs de Développement Durable pour la santé maternelle et la mortalité infantile, 2023

Écrit par Florence Comte

La collecte se poursuit

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