La révolution iranienne
L’histoire contemporaine de l’Iran est constituée de tensions successives souvent violentes.
Le 1er février 1979, Khomeini, chef religieux, opposé à la modernisation et à la laïcisation du pays, arrive à Téhéran de retour de son exil en France. S’ensuit une insurrection du peuple qui entraîne la chute du régime impérial. Ainsi le 01 avril 1979, est proclamée la République islamique avec à sa tête Khomeini. Il instaure un régime autoritaire où le religieux prime sur le politique.
Rappelons que la Constitution iranienne tient compte depuis 1979, de la loi islamique (charia) et place toutes les institutions (politique, judiciaire, militaire et médiatique) sous l’autorité du Guide Suprême de la Révolution Islamique. Contrairement à la plupart des républiques, le chef de l’État iranien n’est pas le président de la République mais le Guide suprême, qui est un personnage religieux sélectionné par l’Assemblée des experts. Ali Khamenei est depuis 1989 le guide suprême de la République islamique d’Iran, après en avoir été le président de 1981 à 1989.
En 1983, est votée une loi imposant le port du voile et d’un vêtement ample par les femmes iraniennes et étrangères. Sont mis en place des Comités de la révolution islamique pour « répandre la culture de la décence et du port du voile » ainsi qu’une peine de 74 coups de fouet pour les femmes ne portant pas la tenue islamique.
Le port du foulard est, en vertu de la législation, obligatoire dès l’âge de neuf ans. En Iran, les mouvements de contestations qui agitent la société iranienne déclenchent très souvent une réaction répressive de la part du Régime.
Le 16 Septembre 2022, la mort de Mahsa Jina Amini, jeune fille kurde de 22 ans, suite à son arrestation par la police des mœurs pour un hijab jugé « inapproprié », a déclenché un véritable soulèvement, qui va ébranler les fondations du régime islamique d’Iran.
Delphine Minoui, journaliste franco-iranienne nous livre un bouleversant roman, qui témoigne d’une jeune génération iranienne parvenue au point de rupture.
Le roman s’ouvre sur une scène de manifestation à Chiraz, automne 2022.
Au cœur de la révolte « Femme, Vie, Liberté » Zahra, une iranienne de 16 ans escalade une benne à ordures, prête à brûler son foulard en public.
Exaltée par l’effervescence et les encouragements, tandis que la peur se dissipe peu à peu, le paysage intime de l’adolescente défile en flash-back : sa naissance indésirée, mais échappée par manque d’argent à l’avortement auquel son sexe la condamnait, son père castrateur mais aussi ses copines, ses premiers amours et ce code vestimentaire dont elle rêve de s’affranchir.
Badjens, c’est le surnom que, parmi les gestes anti patriarcaux que sa mère ose furtivement, cette dernière lui donne dans le secret de leur complicité de femmes.
Badjens signifie mot à mot « mauvais genre », en persan de tous les jours : espiègle, effrontée.
Le personnage romanesque de Zahra incarne toutes ces filles nées avec un « désolé » prononcé par l’obstétricien, nées du mauvais côté, soumises en permanence aux carcans patriarcaux.
« J’ai compris le rôle qui m’était assigné. Jusqu’ici, je n’étais qu’une erreur. Désormais je serais celle qui s’écrase, se tait. Celle qui regarde par terre. Qui ne hausse pas trop la voix. Qui ne se plaint pas, ni se fait remarquer. Celle qui écoute les cousins, ses oncles, son père, son grand père, mais qu’on n’entend jamais. A part pour Maman, je ne compte pas. Je suis invisible »
Cette génération obligée de s’écarteler entre la vie imposée sous le voile et la vie intime.
« Il y aura un dedans et un dehors. La vie imposée et la mienne. »
« Pas étonnant qu’on soit un peuple de schizos. C’est la seule voie pour s’en sortir. »
Il s’agit d’une génération contrainte de mener une existence dissociée, parce que prise en étau entre sa soif de vivre, d’investir les possibilités que les réseaux sociaux lui révèlent et les carcans déments déployés par les pères, les frères et le régime des mollahs. « Ils voulaient assassiner nos rêves. Nous sommes devenus leur pire cauchemar. »
C’est une lecture qui repousse nos horizons et ouvrent nos yeux sur ce qui se passe sous d’autres cieux. Badjens contribue à renforcer la conscience de la situation insoutenable des femmes iraniennes et leurs courageuses mobilisations pour conquérir des droits. « Badjens » est un roman qui peut sembler d’une simplicité apparente, mais cette simplicité permet de rendre plus palpable par tous une réalité révoltante. Il reste une lecture choc qui pourra être lu et apprécié par un très large public.
FEMME, VIE, LIBERTE
Ces 3 mots sont synonymes de lutte et d’espoir pour les iraniennes et les iraniens qui se battent pour leur liberté et pour leurs droits au prix de leur vie et de celle de leurs proches.
Ce mouvement de protestation s’est emparé de toutes les villes d’Iran. Nombre de femmes iraniennes sont descendues dans la rue, soutenues par des hommes pour crier leur colère face au régime et à la loi instaurée depuis la révolution islamique de 1979. Toutes et tous réclament plus de libertés, notamment la fin du port du voile obligatoire, et des changements profonds dans le pays.
Le régime iranien répond par la violence, la répression, la torture et inflige aux personnes arrêtées de lourdes peines, menant parfois à la condamnation à mort. En écho à ce mouvement de protestation, des artistes iraniens et internationaux et notamment des graphistes, soutiennent et documentent ce mouvement révolutionnaire par la création d’affiches, d’images...
Puisant dans la culture iconographique iranienne et le langage visuel international, ces artistes mêlent la calligraphie perse, le graphisme et les codes visuels contemporains, la puissance de la symbolique des fleurs et du feu pour une meilleure communication et diffusion.
Le 08 mars 2023, lors de la Journée Internationale des femmes, les Beaux-Arts de Paris, le musée d’Art moderne de Paris, le Palais de la Porte Dorée et le palais de Tokyo collent sur leurs murs et distribuent au public des affiches au soutien au mouvement Femme, Vie, Liberté. Depuis 60 institutions culturelles françaises les ont rejoints. Dans le prolongement de ce soutien, a été édité en octobre 2023, un ouvrage unique regroupant tous les modes de créations utilisés par plus de 100 graphistes.
Ce livre rassemble plus de 250 affiches et documents photographiques.
Les textes sont publiés en 3 langues : français, anglais et farsi.
C’est un véritable hommage au combat et à la dignité.
« Je suis tout à fait consciente des souffrances de mes sœurs dans ce pays à cause de l’injustice des hommes et j’emploie mon art en partie pour exprimer leurs douleurs et leurs peines. (..) Je souhaite que les hommes iraniens renoncent à leur égoïsme et laissent les femmes cultiver leurs talents et leurs goûts. »
Forough Farrokhzad, poète iranienne (1934-1967)
Écrit par Vanina Chareyre


