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«Certaines essaient de passer en Grande-Bretagne enceintes de huit mois »: au bidonville de migrants de Grande-Synthe (Nord), les bénévoles de Gynécologie sans frontières savent qu'elles vont découvrir des grossesses très particulières.

En ce matin de février, trois membres de l'association effectuent leur maraude hebdomadaire dans ce camp proche de Dunkerque, aux conditions d'insalubrité catastrophiques. L'objectif principal est de rencontrer les femmes enceintes avant leur traversée clandestine vers la Grande-Bretagne, but rêvé d'un exode au cours duquel elle peuvent passer neuf mois de grossesse sans voir un médecin.

«Si on ne va pas à elles, elles ne viendront pas», résume le docteur Valérie Marante. Ce jeudi, la neige complique le travail, car les migrants restent à l'abri. Les bénévoles pataugent dans la boue depuis un quart d'heure lorsque la consoeur d'une ONG leur signale une tente aux allures de chapiteau: «il y a une femme enceinte ici». L'une des «six ou sept présentes sur le camp».

Souad a 28 ans et attend son quatrième enfant. Les trois premiers, âgés de 2 à 6 ans, jouent tranquillement autour d'un poêle, tandis qu'Abbas, leur père, est plongé dans un manuel de langue.

«Vous avez vu un médecin? Vous en êtes à combien de grossesse?» La femme a un geste évasif. Elle n'a aucun dossier médical. Après un bref échange, elle se laisse convaincre de la nécessité d'un examen dans la camionnette de l'association.

Le camp de Grande-Synthe, composé essentiellement de Kurdes, compte un peu plus de 1.100 personnes, selon le dernier décompte de la préfecture. Si près de 300 personnes vulnérables ont déjà été mises à l'abri (dont 120 enfants et 65 femmes), il en restait toujours 136 sur place, selon ces chiffres officiels.

Parmi elles, des femmes enceintes. Tendues vers leur rêve de Grande-Bretagne, certaines n'hésiteront pas à tenter la traversée jusqu'au terme de leur grossesse, explique le Dr Marante: «C'est plus facile de passer enceinte de huit mois qu'avec un nouveau-né. Les maris insistent aussi», raconte cette jeune femme dynamique, à la force de conviction communicative.

Abbas connaît la difficulté de l'exode avec des enfants: en France «depuis dix mois», d'abord à Calais puis à Teteghem (également près de Dunkerque), les passeurs lui demandent «13.000 euros pour toute la famille». Une somme que cet ancien plombier ne possède pas.

 

- Echographie -

Gynécologie sans frontière est une petite ONG qui intervient sur les camps de Calais, Norrent-Fonte (Pas-de-Calais) et Grande-Synthe notamment, avec l'aide de bénévoles -- tel le Dr Marante, en vacances pour quinze jours de son poste à Boulogne-sur-Mer.

Dans la camionnette prêtée par la municipalité, spartiate mais cruciale pour cette ONG désargentée, les médecins ont déplié une table de consultation. Il fait 2 degrés, un souffle glacé entre par la porte laissée entrouverte pour permettre le branchement de l'appareil à échographie, mais Souad suit l'image qui s'affiche à l'écran avec des yeux qui brillent.

«Vous voyez le nez et la bouche? demande le médecin, qui date la grossesse de 22 semaines.

- Tout va bien? s'inquiète Souad.

- Oui, vous voyez, il n'y pas de bec de lièvre.

- C'est une fille ou un garçon?»

Une fille, la troisième. Souad remet son manteau. Elle repartira avec des vitamines et un rendez-vous pour le lendemain à la maternité. Ainsi qu'un dossier prénatal, précieux si elle doit encore se déplacer.

Mais la journée n'est pas finie pour les bénévoles de GSF. Pendant l'examen, deux autres femmes sont venues frapper à la porte de la camionnette.

Rojan, 23 ans, n'en est qu'aux premières semaines de grossesse. On ne voit encore rien à l'écran. «Il faut revenir dans deux semaines!» La jeune femme a l'air déçue. «Elles veulent une échographie du bébé, c'est normal, c'est leur seul bonheur en ce moment», soupire le Dr Marante.

Avant elle, la gynécologue a vu Aïcha, «presque à terme», et qu'elle avait déjà conduite la semaine précédente à la maternité pour une consultation. Qu'elle ait essayé ou non de passer, «Aïcha est encore là», dit la bénévole. Et surtout, «ça va».